Robert Badinter, un géant républicain pour l’Histoire, un phare humaniste pour nos consciences

C’est avec une immense émotion que j’ai appris la disparition de Robert Badinter, ce 9 février. De 2007 à 2011, j’ai eu l’honneur et la chance de le croiser dans les couloirs du groupe socialiste au Sénat et de l’entendre défendre avec force les principes qui guidaient sa vie, dans le silence admiratif et attentif de ses collègues. Sa constance pugnace, sa solidité morale, sa vision profondément humaniste l’ont fait entrer dans l’Histoire de son vivant.

Alors que son père fut victime d’une rafle et mourut au camp de Sobibor, Robert Badinter échappa à la Déportation pendant la Seconde Guerre mondiale, caché par les habitants de Cognin en Savoie. Ce drame humain et la fraternité dont il bénéficia avec sa mère et son frère permettent de mieux saisir l’engagement résolu qui fut le sien de ne jamais céder aux simplifications excessives, aux postures ou aux caricatures. Robert Badinter l’a éprouvé dans sa chair : l’Homme peut se montrer capable du pire et du meilleur, il n’est pas infaillible, tout comme la justice humaine. Dans sa carrière d’avocat, d’universitaire et d’homme d’État, la défense absolue des droits humains, en toutes circonstances, s’imposait donc à lui et s’impose à nous comme l’antidote le plus efficace contre toutes les dérives politiques et morales.

Compagnon de route de François Mitterrand, il sera nommé Ministre de la Justice en 1981 et il portera avec fougue l’une des plus grandes lois de la gauche gouvernementale, dont l’article 1er dispose que « la peine de mort est abolie ». En tant que socialistes bretons, nous n’oublions pas que son discours fondateur a été préparé en Finistère, dans la maison de Benoîte Groult à Clohars-Carnoët.

Après cinq ans place Vendôme, durant lesquels il conduisit de nombreuses réformes pour renforcer les droits des victimes et les libertés individuelles avec notamment la dépénalisation de l’homosexualité, il est nommé en 1986 président du Conseil Constitutionnel, poste où il défendra, parfois même contre son camp, la constitutionnalité des lois et les valeurs de la République. Durant toute sa présidence, un carton figurait sur son bureau avec une phrase qui résonne terriblement avec l’actualité : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise ; une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle ». Il siégea ensuite au sein du groupe socialiste au Sénat de 1995 à 2011, élu puis réélu Sénateur des Hauts-de-Seine.

Nos pensées émues et reconnaissantes sont tournées vers sa famille et ses proches.

Géant républicain pour l’Histoire et phare humaniste pour nos consciences, Robert Badinter nous lègue un héritage exceptionnel afin de défendre avec acharnement la dignité humaine et son universalité, par-delà les époques et les frontières. Rendons-lui les hommages qu’il mérite, défendons sa panthéonisation si sa famille en est d’accord et soyons collectivement à la hauteur en faisant vivre chaque jour ses combats intemporels.

Simon Uzenat
Sénateur du Morbihan
Premier Secrétaire Fédéral du PS Morbihan

Partagez cet article